L’idée selon laquelle exposer les enfants aux écrans favoriserait le développement de troubles autistiques se répand depuis quelques mois. Au départ limité aux articles sur Internet, cette théorie est maintenant présentée dans les journaux et même sur les grandes chaînes de télévision nationale.

Je n’écrirai pas un long paragraphe pour critiquer cette théorie, d’autant plus qu’elle fut déformée à maintes reprises. Beaucoup de personnes ont avancés des arguments pour démontrer les erreurs et les lacunes de la théorie. Je dirai simplement que même s’il y a une corrélation constatée entre le temps passé devant un écran et le développement de certains symptômes de l’autisme :

  • la simple corrélation n’est pas une causalité. Après tout, pourquoi ne pas établir la causalité inverse, à savoir que les personnes autistes passent beaucoup de temps devant les écrans car regarder les dessins animés leur enseigne le langage et l’interprétation des émotions, que beaucoup d’applications pour téléphones portables sont conçues pour développer l’autonomie, le langage et la communication des personnes autistes, etc ;
  • l’autisme est un handicap présent dès la naissance. L’exposition aux écrans ne peut pas donc rendre un enfant autiste. Seulement une personne qui regarde la télévision ou des vidéos sur youtube toute la journée se développera plus lentement. Ceci est connu depuis très longtemps et est vrai pour toutes les personnes, qu’elles soient autistes ou non ;
  • il est possible de présenter certains comportements communs chez les personnes autistes sans pour autant l’être. L’autisme n’est diagnostiqué uniquement lorsque la personne a des difficultés majeures dans les trois domaines de la triade autistique. Ce n’est donc pas parce qu’un enfant ne répond pas à son prénom qu’il est nécessairement autiste.

Ce que montre cette histoire, c’est surtout que la société est très mal informée sur ce qu’est l’autisme. Les gens en ont une vague idée mais ne connaissent pas exactement quelles sont les difficultés rencontrées par les personnes concernées. Ce manque de connaissance est propice au développement et à la propagation de tous les mythes, toutes les théories diverses et variées sur les causes de l’autisme ou les remèdes soi-disant miraculeux.

Cela ne serait pas gênant si cela ne faisait de dégâts chez les personnes autistes et leur entourage. Tous les jours, les personnes autistes font des efforts monstrueux pour vivre dans la société. Tous les jours les parents font tout leur possible pour le développement de leur enfant. Le risque maintenant est que ces personnes soient regardées comme si elles étaient responsable de l’autisme de leur enfant, que les personnes autistes passent systématiquement pour des personnes qui ont été mal éduquées.

Cela fait également du mal aux personnes qui passent énormément de temps à expliquer ce qu’est l’autisme au grand public, qui dépensent beaucoup d’énergie pour déconstruire les mythes et défaire les préjugés et ces articles, nouvelles et reportages viennent détruire les progrès difficilement acquis.

Les blessures causées par ce genre d’articles mettent beaucoup de temps à se résorber.

Il est temps non pas de sensibiliser à l’autisme mais de réellement faire comprendre l’autisme au grand public. Pour faire une analogie, nous savons que l’anglais est une langue mais si nous ne la comprenons pas, nous ne pouvons pas inclure et aider les personnes qui parlent cette langue à vivre dans la société française. Il en est de même pour l’autisme. Nous ne demandons pas que tout le monde devienne un expert en autisme mais que tout le monde ait les clés pour reconnaître, aider et inclure les personnes autistes.

La prochaine fois, nous espérons que soient diffusé des conseils sur comment inclure les personnes autistes, mais également des éléments qui permettent de rendre les écoles, les entreprises, les administrations et les lieux publics accessibles aux personnes autistes. Cela permettra de construire une société inclusive tout en faisant reculer les mythes et les préjugés auxquels les personnes autistes font face dans la société.

Bastien.