Lorsqu’une personne autiste est scolarisée dans une nouvelle école, s’inscrit dans une nouvelle activité ou tout simplement, essaie d’apprendre à être autonome, le « buddy system » ou la formation d’un « binôme » peut être d’une grande aide.

Cela consiste à faire accompagner la personne autiste par d’autres élèves de la classe, d’autres personnes pratiquant la même activité par exemple. Les intérêts sont doubles : pour la personne autiste, cela lui permet d’avoir des personnes qui lui servent de repère, qui veillent sur elle et qui peuvent l’aider en cas de difficultés. Pour les autres personnes, cela leur permet de développer leur sens des responsabilités mais permet également découvrir ce qu’est l’autisme.

Personnellement, j’ai expérimenté le « buddy system » dès mon entrée au collège et ce, jusqu’à la fin de mes études. Il y a toujours eu dans ma classe une ou deux personnes qui se sont dévouées pour m’aider. Généralement, des personnes plus matures que les autres. Avoir des personnes sur lesquelles m’appuyer fut une réelle aide.

Ces personnes pouvaient m’intégrer dans leur groupe d’amis, afin que je ne reste pas tout seul lors des récréations, m’emmenaient d’une salle à l’autre, afin de limiter le stress lors des déplacements dans les couloirs qui ont toujours été difficiles. Par exemple, si la porte de la salle est fermée, j’avais peur de frapper à la porte et d’entrer. Être accompagné dans ces moments fut réellement rassurant. Elles pouvaient également vérifier que j’avais noté tous les devoirs à faire et que je n’avais rien oublié, ce qui procure une certaine assurance et permet de réduire le stress. Elles m’aidaient également sur le temps du repas du midi, non seulement pour se servir au self mais également m’invitaient à leur table afin que je ne mange pas tout seul. Enfin, elles expliquaient aux nouveaux enseignants ou aux intervenants extérieurs qui n’avaient pas été informés ce qu’ils devaient faire et les aménagements qu’ils devaient mettre en place. Par exemple, en classe de première nous avions eu la visite d’un policier qui donna un cours de sécurité routière. Il n’y avait pas d’autre enseignant dans la salle et arrivé au milieu de la présentation, celui-ci commença à m’interroger. Je dus compter sur ces personnes pour lui expliquer et l’informer sur l’autisme. Bref, je crois que sans ces personnes, ma scolarité aurait été beaucoup plus difficile qu’elle ne l’a été.

Je n’ai jamais réalisé à quel point cela avait demandé de nombreux efforts à toutes ces personnes bien que j’ai toujours essayé de faire de mon mieux pour les remercier. Comme j’avais de bonnes notes, je pouvais leur expliquer certains points de cours qu’elles n’avaient pas comprises et je leur envoyais les leçons lorsqu’elles étaient absentes en cours. Toutefois, je me suis souvent un peu trop appuyé sur ces personnes, à tel point que je devenais « le pot de colle » et certaines personnes, notamment au collège voulaient vraiment arrêter mais se sentaient obligées de continuer, ne trouvant aucune autre personne pour les remplacer. Cela a brisé les quelques amitiés qui commençaient à se développer. Avec le recul, je pense que les enseignants ne se sont pas assez impliqués et auraient dû vérifier plus attentivement « l’état » du binôme.

Enfin, un dernier point que je voudrais aborder est que ce système peut parfois impliquer toute la classe. Lors de mon année de seconde, les enseignants avaient établi une liste de personnes pour m’accompagner le midi à la cantine. Chaque midi, une personne différente de la classe s’occupait de m’emmener à la cantine et de manger avec moi. Cela m’a permis de pouvoir échanger et d’apprendre à connaître toutes les personnes de la classe et non seulement un petit groupe de personnes. Cela m’a également permis de tolérer certains changements en ne reposant pas tout le temps sur les mêmes personnes. Pour les élèves de la classe, certaines personnes se sont portées volontaires simplement pour ne pas avoir à faire la queue à la cantine. Pourtant, après quelques minutes elles se sont rendues compte de ce que cela impliquait. Cela est peut-être, de mon point de vue, la meilleure expérience que j’ai vécue jusqu’à présent.

Pour terminer, voici quelques conseils lors de la mise en place d’un système de binômes :

  • Ne forcez jamais un élève à accompagner une personne autiste. Cela demande vraiment beaucoup d’efforts et ne peut se faire uniquement sur la base du volontariat ;
  • Vérifiez régulièrement comment cela se passe. Au début de l’année scolaire, tout le monde est motivé, mais au fil du temps, cela peut devenir une charge de travail vraiment lourde que certaines personnes peuvent avoir du mal à assumer ;
  • Faites en sorte que la personne autiste ne sollicite pas trop les personnes qui l’aident et la soutiennent. Le binôme ne remplace pas une Auxiliaire de Vie Scolaire (AVS) formée pour faire ce métier à plein temps ;
  • Créez une ambiance propice à l’entre-aide. Même si des personnes de la classe sont désignées pour s’occuper de la personne autiste, cela ne doit pas empêcher les autres personnes de s’impliquer, en d’autres mots, laissez de la souplesse dans le processus. Par exemple lorsqu’un enseignant était absent à l’université, il y avait toujours une ou deux personnes de la classe/promotion qui venaient naturellement me voir pour m’emmener à l’accueil où la secrétaire pouvait appeler mes parents ;
  • Faites en sorte que les élèves de la classe aient quelques connaissances sur l’autisme et connaissent les besoins et les difficultés de la personne autiste à accompagner. Je me souviens encore au collège d’une fille qui voulait m’aider mais ne savait pas quoi faire et qui essayait alors de tout faire pour moi, même des choses que je savais faire. Cela me donnait l’impression d’être considéré comme un bébé.

Bénéfices pour la personne autiste :

  • Recevoir de l’aide des pairs est parfois mieux vécu de la part des personnes de la classe que de la part d’une auxiliaire de vie scolaire (même si cela peut avoir des inconvénients comme mentionné ci-dessus) ;
  • Garder des repères lors des changements de classe ;
  • Avoir des opportunités pour aller vers les autres et se faire des amis.

Bénéfices pour les personnes de la classe :

  • Responsabilisation ;
  • Renforcement des liens au sein de la classe.