Bastien Confais est ravi d’avoir réussi d’avoir parlé à la conférence nationale d’AsIAm en Irlande. Il lui a été demandé de parler de l’importance d’avoir des approches qui prennent en compte les forces des personnes autistes, combien il est important pour les professionnels d’utiliser nos centres d’intérêt.

Ci-dessous la transcription de son discours:

Introduction

C’est un grand honneur et un immense plaisir d’être ici aujourd’hui. J’admire vraiment le travail que AsIAm fait pour l’inclusion des personnes autistes. Je ne les remercierai jamais assez pour m’avoir invité à leur conférence, mais aussi pour leur soutien tout au long de l’année.

Je ne suis pas encore à l’aise pour parler en public. Je n’arrive pas accéder à mes pensées tout en parlant. C’est la raison pour laquelle je ne peux que lire un texte préparé à l’avance. Je suis vraiment désolé car cela rend le message plus difficile à faire passer. Je m’excuse également pour mon mauvais accent en anglais. Je m’appelle Bastien, j’habite à Nantes, dans l’ouest de la France. J’ai eu l’opportunité de faire tout ma scolarité dans des écoles ordinaires grâce à ma mère et à des enseignants très ouverts qui ont fait de leur mieux pour me soutenir et me permettre de participer en classe. J’ai obtenu un diplôme d’ingénieur en informatique en 2015 et soutenu ma thèse de doctorat. en juillet 2018. Je suis maintenant ingénieur de recherche à l’université de Nantes.

L’informatique a toujours joué un rôle important dans ma vie. J’ai découvert comment utiliser un ordinateur quand j’étais petit et pendant de nombreuses années, j’ai passé tout mon temps libre (tous les week-ends et toutes les vacances) devant un ordinateur pour essayer de comprendre comment cela fonctionnait. Toutes mes années d’école n’étaient composées que d’école et d’ordinateur. Je n’avais absolument aucun intérêt ou un intérêt très limité pour les autres choses. Je n’avais presqu’aucune activité en dehors de l’école. Par exemple, voir des amis en dehors des temps scolaires n’était pas quelque chose que je pouvais imaginer. Pour être tout à fait honnête, le concept d’amitié n’était même pas quelque chose qui m’était familié.

J’ai récemment réalisé que si j’ai réussi à l’école, si j’ai acquis les compétences que j’ai aujourd’hui et si j’ai obtenu le diplôme et le travail que j’ai aujourd’hui, c’est parce que j’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreuses personnes formidables qui ont réussi à utiliser ce qui m’intéresse pour m’apprendre de nouvelles choses et m’impliquer dans la classe et de participer plutôt que d’attendre de moi que je fasse exactement comme tout le monde.

Parler de ses centres d’intérêt rend le premier contact plus facile

Je pense que le fait de s’appuyer sur les centres d’intérêt de quelqu’un facilite le premier contact. En effet, quand une nouvelle personne vietn vers vous et vous parle d’un sujet que vous aimez et que vous connaissez, c’est non seulement rassurant, mais cela apporte également un peu de prévisibilité, ce qui est essentiel pour les personnes autistes, afin de réduire le stress lié à l’inconnu. Vous ne connaissez pas la personne, vous ne savez pas ce qu’elle veut, comment elle communique, mais vous connaissez le sujet dont elle parle et vous pouvez vous reposer dessus. Jusqu’au lycée, j’étais une personne très timide et je ne pouvais pas parler aux enseignants et aux autres élèves. Je n’osais pas lever la main, parler aller devant la classe pour écrire quelque chose sur le tableau. Mais lorsque les enseignants me demandaient quelque chose qui m’intéressait ou que les élèves abordaient un tel sujet, il m’était beaucoup beaucoup plus facile de leur répondre et de leur parler.

Cela a été encore plus clair lorsque je suis entré à l’université où, dès le premier TP, j’ai pu parler sans difficulté à tous les enseignants et étudiants du groupe, car le travail concernait un sujet qui me passionnait.

Je pense qu’étudier ce que j’aime a rendu la transition vers l’enseignement supérieur beaucoup plus facile que ce que mes enseignants et mes parents pouvaient imaginer. Dans ce sens, je pense vraiment que l’enseignement supérieur peut être une excellente occasion pour tous les autistes de travailler sur ce qu’ils veulent, de faire connaissance de personnes qui partageant les mêmes intérêts et de se faire des amis.

Les centres d’intérêts mettent en valeur nos compétences

Au-delà de rendre le premier contact plus facile, je pense que prendre en compte les passions et les forces d’une personne lui donne l’opportunité de montrer ses connaissances, ses aptitudes et ses compétences et, en conséquence, de se sentir valorisée.

Lorsque j’étais à l’école, les enseignants faisaient toujours de leur mieux pour m’aider à participer en cours. Ils pouvaient poser une question et lire à haute voix ce que j’écrivais dans mon cahier. En sport, je pouvais compter les points et noter les scores plutôt que de courir et de jouer comme les autres élèves.

En plus de me faire participer en cours, cela montrait également aux autres élèves ce dont j’étais capable. Par conséquent, cela a créé une ambiance dans laquelle certains élèves pouvaient m’aider pendant les inter-cours, par exemple, ils me conduisaient à la cafétéria de l’école et, en échange, je pouvais les aider à comprendre les leçons ou répondre à leurs questions sur les sujets que je connaissais. Je ne compte pas non plus le nombre de personnes qui m’ont demandé ce qui ne fonctionnait pas avec leur ordinateur.

Je pense également que cette ambiance a permis d’éviter le harcèlement, car lorsque les autres élèves vous apprécient et que quelqu’un essaie de vous harceler, il y a toujours quelqu’un pour l’arrêter et vous soutenir.

Être considéré pour vos connaissances et vos compétences plutôt que d’être perçu comme une personne ayant beaucoup de problèmes vous aide également à vous sentir valorisé et à vous donner un sentiment d’appartenance. En d’autres mots, les gens voient vos capacités avant de voir votre handicap.

Nous ne devons pas non plus oublier que certains centres d’intérêt peuvent également être la source d’aménagements (par exemple: communiquer par ordinateur). Tous mes professeurs me permettaient de faire mes devoirs sur mon ordinateur. C’était un bon moyen de m’inciter à faire mes devoirs en mélangeant ordinateur et les matières scolaires, mais c’était aussi une aide précieuse, car écrire avec un clavier m’était plus facile que d’écrire avec un stylo, surtout le soir après avoir passé de nombreuses heures en classe.

Tout le monde peut utiliser les centres d’intérêt

Contrairement à une idée reçue, trouver un intérêt ou une force sur laquelle vous pouvez compter pour interagir quelqu’un n’est pas quelque chose de difficile. Ce n’est pas parce que quelqu’un est bon en maths que seul un professeur de maths peut réussir à utiliser cet intérêt.

Je me souviens encore d’une enseignante en philosophie, qui était une matière qui ne m’intéressait pas beaucoup. Je n’étais pas très motivé par son cours, mais un jour, le sujet portait sur la logique et elle a comparé la logique de grands philosophes comme Socrates à la logique que nous utilisons en électronique ou en informatique. Elle m’a demandé de l’aide pour écrire une table de logique sur le tableau pendant le cours.

Un autre exemple que je peux utiliser est une enseignante de français qui a demandé à tout le monde de lire des livres et de créer un QCM afin qu’une autre classe puisse répondre aux questions. Lire des livres n’était pas une chose pour laquelle j’étais très doué, mais j’ai pu créer un site web pour mettre tous les questionnaires créés par tous les autres élèves.

En conclusion, je pense qu’il y a toujours une possibilité de faire participer quelqu’un et de mettre en valeur ses centres d’intérêt et ses compétences, afin qu’il puisse être impliqué et valorisé.

Les intérêts peuvent permettre de rassurer les autres personnes

Aller vers les autres en utilisant leurs intérêts peut être très rassurant. Cela peut non seulement rassurer la personne autiste mais aussi les autres personnes. Pendant mes études, j’ai rencontré plusieurs personnes qui se demandaient si j’étais capable d’étudier dans leur classe ou si j’étais capable de faire un stage dans leur entreprise. Ils avaient souvent peur de ne pas savoir comment interagir avec moi ni comment répondre à mes besoins.

Je me souviens d’une nouvelle enseignante de communication à l’université qui, le premier jour, a demandé à parler à ma mère avant le cours, car elle avait peur et n’était pas sûre que je puisse assister à son cours.

Mais, lorsque le cours a commencé, j’ai immédiatement suivi son cours et j’ai même pu lui poser quelques questions à la fin. Les cours suivants, elle a tout fait pour m’aider à participer. Je pense qu’elle a été convaincue que ma participation l’a rassurée parce qu’elle était très heureuse de me retrouver l’année suivantes.

Utiliser les centres d’intérêt de quelqu’un n’est pas un petit plus, c’est essentiel

Le dernier point que je pense qu’il est important de prendre en considération est que nous avons parfois l’impression que s’appuyer sur les forces et les passions d’une personne n’est qu’une chose supplémentaire et facultative que nous pouvons faire pour l’inclusion. Mais en réalité, cela devrait être placée au même niveau que n’importe quel aménagement.

Quand j’étais étudiant à l’université, j’ai eu la chance qu’un enseignant ait trouvé une entreprise prête à m’accepter pour un stage. Néanmoins, lorsque nous avons visité la société, la personne qui nous a présenté les lieux a seulement parlé des difficultés que je pouvais avoir et des ajustements dont j’avais besoin. La dame n’a pas beaucoup parlé du sujet du stage, du travail qu’elle attendait de moi et des défis techniques liés au travail qu’elle proposait. Oublier ces informations qui me semblaient être essentielles m’a vraiment donné l’impression qu’elle avait proposé le stage parce que j’étais autiste plutôt que pour mes compétences. Et je pense qu’un travail ou un stage que vous obtenez uniquement à cause de votre handicap n’est pas un travail que vous aimerez et où vous serez valorisé !

J’ai finalement préféré faire mon stage dans une autre entreprise où le directeur m’a présenté le travail qu’il ferait plutôt que de se concentrer sur mon handicap.

Je pense qu’il est important pour les écoles, les entreprises et les professionnels en général de garder à l’esprit de trouver le bon équilibre entre s’appuyer sur les centres d’intérêt d’une personne et les aménagements mis en place.

En effet, comme je l’ai déjà illustré dans de nombreux exemples, travailler sur un sujet que vous aimez peut parfois être un aménagement très important qui ne doit pas être négligé !

Conclusion

Pour conclure sur ces quelques points, je suis convaincu que le fait de s’appuyer sur ce qui intéresse les gens est une chose trop souvent négligée, mais c’est un élément clé pour faciliter l’inclusion.

Ne pas prendre en compte l’intérêt d’une personne revient à essayer d’enseigner les mathématiques à quelqu’un qui ne l’aime pas et qui ne comprend pas son objectif. À la fin, l’élève et l’enseignant perdent tout intérêt et abandonnent.

La plupart des personnes autistes ont quelque chose qui les intéresse et c’est une excellente chose pour tout le monde, pour les enseignants et les professionnels d’utiliser cela pour aider la personne, l’aider à apprendre de nouvelles choses, mais c’est aussi une chance extraordinaire pour les personnes autistes elles-mêmes, pour acquérir un sentiment d’appartenance, leur permettre de participer, de se sentir valorisés et reconnus par leurs pairs et enfin de faire leur autisme, une force.

Merci beaucoup