Comme beaucoup de personnes qui vivent ces temps difficiles, les personnes autistes se préoccupent elles aussi de la façon dont le COVID-19 va impacter leur vie et leur routine. Bien que les personnes ayant avec des problèmes de santé préexistants soient particulièrement à risque vis-à-vis du COVID-19, comme les personnes souffrant d’affections respiratoires ou immunitaires, de douleurs chroniques, les personnes autistes peuvent rencontrer d’autres problèmes et difficultés. Les impacts sociaux, psychologiques et économiques peuvent grandement impacter leur bien-être et leur qualité de vie pendant cette pandémie.

Marché du travail / Emploi

Le COVID-19 aura un impact considérable sur l’économie et le “choc” lié à l’arrêt brutal de nombreuses entreprises, des écoles, des restaurants, et des magasins, pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois aura également des effets durables sur les personnes autistes. Il est très probable que les restrictions actuelles sur les voyages et les distances personnelles restent en vigueur pendant un certain temps. Cela signifie que les secteurs qui embauchent de nombreux jeunes travailleurs comme le tourisme, l’hôtellerie ou le commerce de détail auront beaucoup de mal à se remettre de cette pandémie. D’autant plus que ces secteurs sont les principaux employeurs de nombreuses régions du pays et bon nombre d’emplois sont de nature saisonnière.

Cela pourrait avoir un impact disproportionné sur les jeunes autistes qui cherchent un job d’été et qui pourraient en profiter pour développer leurs compétences (soft skills). Ces personnes font souvent face à de nombreux obstacles pour entrer dans le monde du travail et pourront avoir besoin d’aide supplémentaire pour effectuer cette transition.

Les personnes autistes peuvent avoir des contrats à durée déterminée, par exemple, des contrats qui ne durent que quelques mois et qui sont de nature précaire. Le COVID-19 peut aggraver la situation et changer la nature des emplois qui seront disponibles dans les prochains mois. Certains employeurs qui font face à la crise pourraient être amenés à revoir leurs plans concernant les embauches. À cause du stress et de l’anxiété notamment liées à tout ce que l’on entend sur le virus, les personnes autistes font face à un dilemme. Soit elles peuvent s’isoler pour préserver leur bien-être et leur santé, soit elle peuvent aller gagner leur vie et développer des compétences, de l’expérience et avoir la dignité d’avoir un travail.

Cela peut également signifier que les personnes autistes soient les premières à voir leurs heures de travail réduites voire à être mises en chômage partiel lorsque les entreprises cherchent à réduire l’impact du virus sur leurs finances. Les personnes handicapées sont deux fois plus nombreuses à ne pas avoir de travail que les personnes non handicapées du même âge. Environ 80 % des personnes autistes sont sans travail ou ne sont pas employées à hauteur de leurs compétences. Un choc économique tel que le COVID-19 peut potentiellement réduire le nombre d’opportunités pour les personnes autiste et les placer en désavantage sur le marché du travail.

Les personnes autistes font déjà face à de nombreuses barrières dans le processus de recrutement car les entreprises tendent à privilégier les personnes ayant des “soft skills”. Bien que les personnes autistes ont souvent de très grandes compétences techniques, ce qui est un atout indéniable pour les entreprises du pays, elles peuvent avoir du mal à mettre en évidence ces “soft skills”, particulièrement dans le contexte d’un entretien d’embauche, sur un CV ou dans les formulaires pour postuler. Elles peuvent ne pas savoir quelle est la meilleure chose à dire à l’employeur. Avec l’augmentation du taux de chômage à cause de la pandémie COVID-19, il pourra être encore plus difficile pour les personnes autistes d’accéder à un emploi.

Changements dans la routine

La routine joue un rôle essentiel dans la vie des personnes autistes. Elle les aide à créer de la prévisibilité et à rendre les choses prévisibles.

Les restrictions imposées par le gouvernement sur les rassemblements sont nécessaires pour la santé publique et la sécurité de chacun. Cependant cela signifie que de nombreuses entreprises, les écoles, les universités et les services publics ont dû fermer sans savoir quand ils vont réouvrir. L’impact de ces fermetures est de casser la routine de nombreuses personnes autistes. Le changement soudain dans la routine peut être difficile à vivre, et à gérer car elles ne connaissent pas les conséquences liées à cette pandémie.

La communauté de l’autisme au sens large peut également faire face à des difficultés pour maintenir un équilibre entre la vie professionnelle et personnelle. Une période prolongée de distanciation sociale peut faire perdre le contact avec les amis et la famille, ce qui impacte la santé mentale et physique.

Communication en entreprise

Les personnes autistes qui travaillent font face aux mêmes changements de routines que les autres travailleurs. Ces changements comme le besoin de faire du télétravail pour préserver sa santé, et la façon de communiquer dans l’entreprise peut avoir un impact sur la productivité. Les réunions régulières avec son supérieur pour garder les objectifs en tête et résoudre les problèmes potentiels aident beaucoup les personnes autistes. En cette période, il est nécessaire pour les employeurs de trouver des alternatives comme effectuer des rendez-vous réguliers sur Zoom, Skype ou Teams. Ces rendez-vous permettent non seulement de guider la personne dans l’avancement du travail mais également de rompre l’isolement lié au fait de rester confiné chez soi.

Travailler depuis chez soi peut être réellement appréciable pour les personnes autistes qui peuvent en temps ordinaire être surchargées par les stimulations sensorielles au bureau. Cependant, effectuer la transition peut poser quelques difficultés pour les employés qui ne sont pas à l’aise avec les applications informatiques ou qui ont des difficultés de connexion Internet. Les entreprises peuvent également aider les employés à se familiariser aux outils comme Skype, Zoom, Microsoft Teams ou Slack. De plus, savoir utiliser ces outils peut être bénéfique au-delà de la crise que nous vivons.

Une autre barrière à laquelle les personnes autistes peuvent faire face est l’accès au système de santé. Il peut être plus difficile pour les personnes autistes de se faire soigner lorsqu’elles sont malades car les personnes autistes peuvent présenter des symptômes différents des personnes non autistes. Par exemple, certaines personnes autistes peuvent avoir du mal à faire le lien entre leur état de santé et les symptômes du COVID-19. Cela peut avoir un impact direct sur la situation où la personne présente les symptômes du virus mais n’appelle pas immédiatement les urgences. Certains employés peuvent également choisir de rester au travail pour préserver leur routine et ne pas communiquer sur leurs symptômes, d’autant plus lorsque les processus pour obtenir un arrêt maladie ne sont pas clairs dans l’entreprise.

Les entreprises doivent donc fournir des consignes claires sur les arrêts maladies, particulièrement si un contact rapproché est nécessaire entre les employés et si votre entreprise a du mal à respecter la distanciation physique.

Les nouvelles conditions pour obtenir un arrêt maladie pendant la pandémie peuvent être très utiles pour protéger les employés qui attraperaient le virus. Si l’entreprise a besoin de se séparer temporairement de certains employés pendant la pandémie, regardez les conditions pour obtenir une rémunération au titre du chômage partiel.

Obtenir des aménagements

Les personnes autistes font déjà face à de grandes difficultés pour obtenir des aménagements au travail. Les aménagements sont ce qui leur permet de pouvoir travailler de façon sûre. Certains employés peuvent avoir besoin de nouveaux aménagements lorsqu’ils travaillent de chez eux. Il est important que les entreprises soient vigilantes à cela.

Bien que travailler à la maison peut être bénéfique pour de nombreuses personnes autistes, pour d’autres, cela n’est pas forcément évident. Par exemple, arriver à travailler lorsqu’il y a des enfants à la maison, trouver un endroit dans la maison, sans distraction à portée de main pour travailler efficacement font parties des défis souvent rencontrés par les personnes en télétravail.

Lorsque l’aménagement consiste en un matériel ou une technologie spécifique qui n’est pas disponible chez elle, il est important que l’entreprise prenne cela en compte et regarde s’il est possible d’autoriser la personne à apporter cet équipement chez elle ou s’il est possible de mettre en place un aménagement alternatif.

Covid-19 et santé mentale

Les personnes autistes sont plus sujettes à développer des problèmes de santé, comme l’anxiété ou la dépression que les personnes non autistes. Elles ont également un risque de suicide plus important, particulièrement lorsque d’événements catastrophiques et angoissants comme le virus. Le flux constant de mauvaises nouvelles accentue cela. Vous trouverez ici quelques conseils pour gérer le stress et l’anxiété pendant la pandémie.

Certaines personnes autistes réagissent différemment à la perte d’un être cher que les personnes non autistes. Bien que la plupart des gens attrapant le virus guérissent après une période d’isolement, cela n’est pas toujours le cas et certaines personnes vont perdre des proches qui leurs sont chers. Dans ces situations, être au courant des dispositifs d’aide qui existent est important. Beaucoup de personnes autistes peuvent non seulement avoir besoin de temps pour faire le deuil de leur perte, mais avoir aussi besoin d’une aide supplémentaire pour faire face à ce changement soudain et aux émotions découlant de cette tragédie.

Au-delà du travail, les périodes prolongées d’isolement peuvent également compliquer la vie au sein des familles. Certaines personnes autistes peuvent être plus vulnérables à la violence domestique, et l’insécurité financière peut les faire hésiter à quitter les situations d’abus.

Lavage des mains

Certaines personnes autistes peuvent avoir un diagnostic de troubles obsessionnels compulsifs, un état qui est associé à des pensées obsessionnelles et des comportements compulsifs. Les pensées obsessionnelles peuvent être une image qui pénètre de façon répétée dans l’esprit d’une personne à un point tel que cela peut générer une grande anxiété et que cela peut fortement impacter leur vie quotidienne. Les comportements compulsifs consistent en des actions répétitives qu’une personne se sent obligée de faire pour garder le contrôle de la situation. Cela peut entraîner une spirale négative où la personne utilise les comportements compulsifs pour réduire temporairement l’anxiété. Seulement le cycle recommence et les pensées obsessionnelles reviennent.

La crise du COVID-19 semble de plus en plus incontrôlable au fur et à mesure que le virus s’étend. Cela peut aggraver les angoisses des personnes ayant des troubles obsessionnels compulsifs, surtout lorsque les comportements compulsifs tournent autour de la propreté ou si elles ne se sentent pas en mesure d’avoir leur situation en main.

Bien que les autorités sanitaires conseillent aux gens de laver leurs mains pour limiter la diffusion du virus, cela peut avoir un impact direct sur les personnes ayant des troubles obsessionnels compulsifs, surtout si le lavage des mains devient un élément essentiel de leur routine. Les entreprises peuvent envisager des mesures sur la façon de gérer les inquiétudes que les gens peuvent avoir autour du lavage des mains une fois que l’épidémie de COVID-19 sera passée.

Alimentation

L’épidémie de COVID-19 a également entraîné la fermeture de certains magasins et restaurants, ou la limitation de leurs services aux plats à emporter, et a incité un plus grand nombre de personnes à limiter la fréquence de leurs visites dans les magasins et les supermarchés.

Cela peut signifier que certains aliments que les personnes autistes ont l’habitude de manger peuvent être en rupture de stock ou introuvables pendant cette pandémie. Cela pourrait avoir un effet néfaste sur certaines personnes autistes qui ne mangent que certains aliments, ou qui font face à des maladies comme l’anorexie. Certaines personnes autistes ayant des difficultés de planification pourraient même être impactées et avoir des problèmes pour décider de ce qu’elles vont manger pendant la semaine.

Les employeurs doivent prendre en compte que certains employés ont besoin d’aller faire leurs courses pendant les heures de bureau, ou ont besoin d’aller au magasin plus souvent à cause de ces difficultés de planification. Être plus flexible sur les horaires peut également limiter le stress. Vous pouvez également insister sur les précautions que les autistes doivent prendre pour se protéger si elles doivent sortir plus souvent.

La nourriture, en particulier le goût et la texture de certains aliments, peut également jouer un rôle important pour réconforter les personnes autistes. La rareté de certains aliments peut avoir un impact négatif sur le bien-être physique de nombreuses personnes autistes, en particulier si la personne a des problèmes sensoriels liés à la nourriture.

Alors que l’alimentation et la nutrition sont essentiels pour une bonne santé physique et mentale, il convient également de noter qu’un changement soudain du régime alimentaire d’une personne autiste peut avoir pour effet d’augmenter les hypersensibilités ou les hyposensibilités autour toute sensibilité qu’elle peut avoir autour de la nourriture, en particulier si la personne autiste ne mange que certains aliments pour gérer ses besoins sensoriels.

Toutefois, nous devons insister sur le fait que tout le monde devrait essayer de rester chez-soi, de s’isoler et de réduire les contacts physiques avec les gens. Nous recommandons fortement aux personnes autistes de passer le plus de temps possible à la maison pour s’assurer que le COVID-19 ne se propage pas, et de ne sortir que dans les cas où ils doivent faire de l’exercice ou aller au magasin.