En tant que personne autiste, l’autonomie et l’indépendance ont été et sont toujours pour moi des défis d’actualité. Mes parents m’ont toujours emmenés à l’école en voiture le matin et venaient me chercher le soir. Le reste du temps je restais dans ma chambre à faire mes devoirs. Je n’ai donc jamais fait d’activités tout seul. Jamais pris les transports en commun pour aller à l’école tout seul, je ne suis jamais allé à la boulangerie tout seul, etc.

En réalité, en ne voyant les autres jeunes de mon âge uniquement sur le temps scolaire, il m’est difficile d’imaginer à quel moment ils ont appris à faire ces chose là. Quand est-ce que les élèves de ma classe ont-ils appris à aller faire des courses ? à conduire ? à vivre dans leur propre appartement ou chambre pour étudiant ?

Beaucoup de personnes autistes n’aiment pas les changement et apprendre à devenir autonome est un changement. Il est donc bien plus facile de garder la même routine !

Ce n’est qu’après avoir obtenu mon diplôme, après avoir fini les cours et donc de rencontrer les élèves tous les jours que je me suis rendu compte que j’avais raté quelque chose d’important. Que j’étais incapable d’aller dans un magasin, incapable d’aller seul quelque part et de devoir toujours compter sur mes parents. Aborder la question n’a pas été chose facile. Comme demander à ses parents que l’on souhaite plus d’autonomie, comment demander que je souhaite apprendre à faire ces choses sans être directement « laché dans la nature » mais que nous voulons être aidé et guidé.

J’ai franchi le pas au printemps dernier. J’ai demandé à pouvoir dans un premier temps prendre le bus et à aller acheter le pain. J’y suis allé par étapes. Les premières fois, j’étais accompagné et j’ai simplement suivi le mouvement en regardant comment faire. Les fois suivantes j’ai essayé de faire de plus en plus de choses par moi-même. Par exemple, faire le signe pour appeler le bus, dire bonjour au chauffeur. Ou à la boulangerie, dans un premier temps, ne pas faire la commande mais donner uniquement la monnaie. Après trois mois de répétitions et d’entraînements, je peux enfin faire ces deux choses là par moi-même.

Cela me laisse plusieurs choses à dire. Tout d’abord, je ne sais pas si j’aurai réussi à faire cela plus tôt lorsque j’allais à l’école pour suivre des cours et que j’avais des devoirs. Apprendre ce genre de choses demande énormément d’énergie, je ne pense pas que cela aurait été possible de réaliser cela dans une semaine de cours qui est en soi déjà très fatigante.

La seconde chose qui semble importante à retenir, notamment pour les parents, est de ne pas poser de limites à leurs enfants et de ne pas hésiter de discuter des sujets que l’enfant n’aborde pas. Ma mère m’a dit qu’elle n’aurait jamais pensé que je ferai cela un jour. Pourtant si elle m’en avait parlé, je n’aurai peut-être pas attendu si longtemps avant d’aborder le sujet.

Finalement, Mme Temple Grandin semble avoir raison lorsqu’elle dit Vous devez sortir les enfants autistes de leur zone de confort pour qu’ils développent leurs compétences (Cork - 18 août 2017).

Bastien.